
Résumé du tome 10 :
« “Je vais les bouffer. Bouffer. Jusqu’à satiété !” Comment Gin Gotō a-t-elle assise son emprise sur Kuge ? La réponse se trouve dans sa jeunesse triste et pleine d’ambition, plusieurs décennies en arrière. C’est à ce moment que tout a commencé… Découvrez les sources de la terrible malédiction qui domine encore aujourd’hui Kuge »

Résumé du tome 11 :
« “Donnez-le en offrande à votre nouveau dieu.” Une obstination sans pareille a ressuscité Gin d’entre les morts. Sa soif de meurtres et ses machinations lui permettent de s’emparer de Kuge et d’y implanter un ordre basé sur la peur. Le monde construit par la vieille Gotō s’effrite avec sa mort. »
Fiche technique :
Scénario et dessin : Masaaki Ninomiya
Éditeur : Meian
Pagination : 192 pages par tomes
Retrouvez les chroniques des tomes précédents : 1 à 3, 4 à 6 et 7 à 9.
Alors que la série s’achèvera au tome 13, j’ai attendu l’arrivée du tome 11, pour lire ces deux tomes d’un coup pendant mes congés de fin d’année. J’ai bien fait, car ils forment un diptyque sur les origines de la terreur que fait régner le clan Gotō sur le village de Kuge.
Si, après l’affrontement cataclysmique des trois tomes précédant entre les forces de l’ordre et le clan, entremêlé d’affrontement entre les factions du clan ainsi que la volonté de Daïgo de sauver sa fille, vous espériez pouvoir souffler un peu, ce ne serait clairement pas le cas. Si ce diptyque met en pause ce pan du récit, il n’est pas moins intense et prenant.
Ces deux tomes nous transportent donc dans les années 1940, le clan Gotō y est bien différent. Le patriarche est en fin de vie et dans les faits, c’est son rustre de fils Kenji qui règne sur le clan. C’est un homme avec de sales manières, violent et aussi violeur. Les relations avec les habitants de Kuge sont déjà mauvaises, certains font courir la rumeur selon laquelle les Gotō seraient cannibales, engendrant des passages à tabac d’une violence inouïe de la part de Kenji. Ce dernier passe aussi ses nerfs sur sa demi-sœur Gin (LA Gin Gotō), la traitant comme une merde, la violant…
Nous découvrons non seulement les origines des tensions entre le clan et les villageois, mais aussi les origines de Gin. Comment, avant de devenir le monstre à la tête du clan, elle a surtout été une victime. Victime de la superstition des villageois, victime de Kenji Gotō. Ainsi, pour survivre et se venger, Gin va devenir une manipulatrice. On va donc non seulement découvrir comment elle a pris la tête du clan, mais aussi comment elle a mis le village sous le contrôle du clan pour les décennies suivantes, enfin, on découvre les origines de « Lui », le cannibale qui arpente les environs de Kuge. Je dois bien avouer qu’initialement, je n’avais pas pensé à cette réponse quant à la grande question qu’était « Qui est “Lui” ? », mais même toute l’intrigue autour de la jeunesse de Gin, ce qu’elle a subi, comment elle s’est vengé s’est avérée très surprenant, mais aussi intense et dur.
Je disais dans ma chronique des trois tomes précédents qu’au fil des tomes, on découvre qu’aussi bien à Kuge que dans le clan, la haine a probablement engendré la haine depuis des décennies, et c’est bien ce que confirment ces deux tomes. On avait déjà découvert les tomes précédents que l’un des membres de la police organisant l’intervention contre le clan avait des liens avec les Gotō. Pour limiter le divulgâchage à l’époque, je n’avais pas précisé qu’il était membre du clan. C’est ce que confirme le tome 11 sur deux plans. D’abord par rapport à comment Gin prend le contrôle du clan, mais aussi par rapport à ces propres origines familiales, ensuite parce que ce salopard de Kenji Gotō « fourrant sa bite un peu partout » semble avoir une descendance. À Kuge, comme ailleurs, non seulement la haine engendre la haine, mais elle crée des monstres. Ainsi, le comportement de Kenji et des villageois a « créé » Gin, mais la haine, la rumeur, la superstition et la misère ont créé les cannibales. En réalité, la haine qui déchire Kuge après avoir couvé pendant des décennies a des origines sociales (inégalité et injustice) et spirituelles (superstition et croyance et rétrograde). Il est aussi très intéressant de constater que le « monstre » qui dévore le clan de l’intérieur est né des violences physiques, psychiques et sexuelles infligées à une femme.
Le tome 11 se termine sur un retour dans le présent, pour amorcer (avec les tomes 12 et 13) un final qui s’annonce explosif. Il est très probable qu’à la fin il ne reste rien du clan Gotō, pas grand-chose non plus du village de Kuge et que tous ceux qui réchapperont de cette sinistre affaire en porteront des séquelles à vie. J’attendrais très probablement la sortie du tome 13 pour le chroniquer avec le tome 12 avant d’ensuite regarder la série TV qui en a été tirée.
Gannibal est décidément un manga incroyablement âpre et intense. Ces deux tomes nous livrent les origines des évènements horribles qui ravagent Kuge et nous donnent au passage des réponses à certaines questions très importantes avant que les deux derniers tomes nous livrent une conclusion qui sera probablement tragique sur bien des aspects. Surtout, Masaaki Ninomiya nous livre des justifications qui ne sont pas manichéennes et sont aussi une critique assez directe contre les inégalités sociales, les superstitions et les violences physiques, psychiques et sexuelles. Ainsi, plus qu’un thriller avec des cannibales, ce manga est aussi, à sa modeste échelle, une critique sociétale.
P.S : les couvertures des différents tomes de Gannibal portent la mention « Pour public averti » et ce n’est pas pour rien. S’il était déjà question de meurtre et de cannibalisme jusque-là, il y a aussi dans ces tomes des scènes de viol. À ne pas mettre entre les mains des moins de 16 ans à mon avis.