True Detective (Saison 3) – HBO

Résumé :
« En 2015, Wayne Hays, ancien inspecteur à la retraite, reste hanté par une affaire non résolue depuis 35 ans : la mystérieuse disparition de Will Purcell, 12 ans, et de sa sœur Julie, 10 ans, dans les monts Ozarks. Alors qu’une équipe de télévision vient l’interviewer au sujet de l’affaire, il se replonge dans ses souvenirs. Tentant de raviver sa mémoire défaillante, il se remémore tant bien que mal les jours et les semaines qui ont immédiatement suivi le drame, en 1980. »

Fiche technique :
Network: HBO
Créateur : Nic Pizzolatto
Réalisateurs : Jeremy Saulnier, Daniel Sackheim, Nic Pizzolatto
Scénaristes : Nic Pizzolatto, David Milch, Graham Gordy
Acteurs principaux : Mahershala Ali, Carmen Ejogo, Stephen Dorff, Scoot McNairy, Ray Fisher

Et voici, assez peu de temps après le visionnage la saison 2 et très peu de temps avant celui de la saison 4, ma chronique de la saison 3 de « True Detective ». Il est très rare que je passe autant de temps devant la télévision sur une période de temps aussi resserré. Cela est donc un bon indicateur d’à quel point j’apprécie cette série. Je rappelle que « True Detective » suit un format anthologique. Chaque saison suit donc une histoire et des personnes différentes dans des lieux qui le sont aussi. Toutefois, et cette saison le confirme, les saisons se déroulent bien dans le même univers.

Ce que l’on constate dès le premier épisode, c’est que Nic Pizzolatto est bien décidé à faire vivre et évoluer sa recette « True Dectective ». La première saison nous faisait suivre deux personnages sur deux temporalités espacées de dix ans. La deuxième saison nous faisait suivre carrément cinq personnages, mais ne jouait pas avec la temporalité, ne laissant qu’une ellipse de six semaines à mi-saison. Cette saison trois revient à un « simple duo », mais étale son intrigue sur trois temporalités : 1980, 1990, 2015. Trente-cinq ans pour une seule affaire !

En 1980, Will et Julie Purcell annoncent à leur père qu’ils se rendent à une aire de jeux pour y retrouver un ami, mais ne reviennent pas. L’inspecteur Wayne Hays (Mahershala Ali) et son partenaire Roland West (Stephen Dorff) organisent des recherches. Hays est un vétéran du Viêt Nam qui a servi dans les LRRP (une petite unité de reconnaissance bien armée qui opère derrière les lignes ennemies). Les parents des Purcell, Tom (Scoot McNairy) et Lucy, n’ont pas un mariage heureux. Beaucoup d’éléments troublants se font jour : les enfants mentaient à leurs parents et allaient rarement chez leur copain quand ils l’annonçaient. Un trou est trouvé dans la cloison séparant les chambres des enfants, alors que leur oncle avait dormi dans la chambre de Will. Un vétéran amérindien vivant en marge de la communauté attire aussi les suspicions. Hays rencontre le professeur d’anglais de Will, Amelia Reardon (Carmen Ejogo) qui va tenter d’aider les enquêteurs puis se rapprocher d’Hays. Grâce à ses talents de pisteur, Hays fini par retrouver le corps de Will dans une grotte. Lorsqu’un suspect idéal et facile se fait tuer dans un « suicide by cop », l’affaire est enterrée par le procureur qui, grâce à des preuves opportunistes, acte que Julie est morte, elle aussi, bien qu’il n’y ait pas de corps. Dix ans plus tard, l’affaire est rouverte. Roland West, devenu capitaine, sort Wayne Hays du placard. Des éléments semblent indiquer que Julie aurait potentiellement refait surface. De nouvelles suspicions se font jour, mais à nouveau rien ne va se passer comme prévu.

La gestion des temporalités est très intéressante, car elles s’entrecroisent, laissant des questions, suspicions et possibilités ouvertes et suspendues pendant un temps. Comment Hays s’est-il retrouvé au placard ? Comment West fini boiteux ? Comment ils se sont éloignés l’un de l’autre ? L’un comme l’autre est resté meurtri et obsédé par cette affaire, mais pas pour les mêmes raisons. L’un l’est, car il est incapable de lâcher une piste, un espoir. L’autre l’est à cause des extrémités auxquelles cette affaire les avait poussés. Si nous ne sommes pas face à des protagonistes aussi problématiques que dans la saison précédente, là aussi les personnages ont des tares et des problèmes. Le croisement des temporalités rend le mystère plus « épais » et le rythme plus posé. Toutefois, il n’est pas impossible ni illogique que certains en trouvent le rythme trop lent et l’intrigue un peu trop diluée. À chacun ses sensations et impressions, mais moi j’aime vraiment les rythmes proposés par la série. La construction laisse ouvertes plein de possibilité et de suspicion. Pourquoi le procureur est-il si pressé de boucler l’affaire tant en 1980 qu’en 1990 ? Qui a tué certains des protagonistes de l’affaire ? On en vient même à suspecter Hays et West d’avoir versé dans l’autojustice. Mais c’est pour mieux nous prendre à contrepied. En plus, la partie « 2015 » de l’intrigue rajoute du trouble à l’affaire puisqu’Hays, maintenant septuagénaire, a un début de démence lui causant des pertes de mémoire, absences et hallucinations. La conclusion de l’affaire est surprenante, plus triste que monstrueuse. Les monstres eux-mêmes ne sont pas tout à fait ceux qu’on attendait. Bref, une intrigue brillante et prenante.

J’évoquais en intro un univers commun aux différentes saisons. Dans la temporalité « 2015 », alors qu’Hays répond aux questions de la documentariste Elisa Montgomery, cette dernière lui parle d’une « affaire assez connue en Louisiane », image à l’appui. Elle évoque une hypothèse qu’on sait vraie en tant que spectateur, mais que le grand public dans cet univers ignore : le fait que les crimes sur lesquels Rust Cohle et Martin Hart avaient enquêté étaient potentiellement liés à un réseau ou une « société secrète ». Ce qui est intéressant, c’est qu’Elisa donne des éléments laissant entendre qu’un, ou ce, réseau est toujours actif. Elle met ainsi le spectateur sur une fausse piste. Alors qu’en cette mi-saison, Hays comme le spectateur sont encore totalement dans le flou. En conséquence, quand cette possibilité est évoquée, elle fait froid dans le dos. Et là où Nic Pizzolatto brille, c’est qu’il ne prévoit pas de verser dans la facilité et se reposer sur les lauriers tant l’affaire, ses causes, ses coupables et sa conclusion n’ont absolument rien à voir avec les précédentes. Comparativement aux deux premières saisons, la fin de la troisième fait presque office de « happy end ». Ainsi, pour la troisième fois d’affilée, le scénariste ne se repose pas sur sa recette et ne verse pas dans le recyclage. C’est vraiment une très bonne chose.

Niveau visuel, la saison deux avait su écarter mes craintes engendrées par la multiplication des réalisateurs (sept en huit épisodes) là où la première avait un unique réalisateur. Ici, il y a à nouveau plusieurs réalisateurs, mais moins que sur la saison deux. À nouveau, la pâte « True Detective » est présente. À nouveau, la réalisation garde un style cohérent de bout en bout. On retrouve le style posé et les plans un peu contemplatifs, bien qu’ils soient moins nombreux. Il y a un point que je trouve génial, c’est la gestion de transition entre les temporalités. Les temporalités se chevauchent régulièrement au sein de la même séquence, de manière franchement habile. Notamment, Hays semble parfois se répondre ou se confronter à lui-même à travers les temporalités, ajoutant de la bizarrerie et de la suspicion en lien avec sa démence dans la temporalité 2015. Il y a par contre beaucoup moins d’action, même si à nouveau la série nous livre une grosse scène de fusillade solidement réalisée, violente et bien plus réaliste que ce qu’on voit dans la plupart des séries policières. Malgré tout, l’ambiance m’a un peu moins marqué, notamment sur le plan musical. Si ce n’était pour les transitions habiles entre temporalités, je trouverais que la saison est la plus faible des trois sur le plan de la réalisation. Toutefois, ça reste largement au-dessus de ce que proposent les séries policières grand public.

Pour ce qui est du casting, la série est comme toujours très solide. Mahershala Ali et Stephen Dorff sont excellents, et campent très bien leurs personnages sur trois temporalités. Si les maquillages et prothèses aident à rendre leur vieillissement plausible, les acteurs jouent vraiment bien les versions septuagénaires de leurs personnages. J’avais vu Mahershala Ali dans le récent, mais moyen « Le Monde après nous », il est ici vraiment très bon. Je n’avais pas revu Stephen Dorff depuis le film « Blade » en 1998 (je n’ai en effet pas souvenir d’avoir vu le film « XIII : The Conspiracy » dans lequel il partageait l’affiche avec Val Kilmer en 2008). Quel acteur ! Quelle gueule ! Franchement bravo. Enfin, Scoot McNairy (que je n’avais pas revu depuis le « Monsters » de Gareth Edwards en 2010) et Carmen Ejogo que je ne connaissais pas (elle a joué dans le très moyen « Alien: Covenant » et je n’ai aucun souvenir de sa performance) sont absolument excellents. Encore une fois, le format anthologique de « True Detective » permet de mettre en avant des gros noms et de ramener sur le devant de la scène des acteurs talentueux.

Si elle est peut-être la moins bonne des trois saisons de « True Detective » que j’ai vu jusque-là, cette saison trois reste une excellente livraison. Écriture excellente, inventive, jouant avec les spectateurs. Ambitions renouvelées en revenant à deux enquêteurs, mais en ayant une affaire s’étalant sur trois temporalités. Réalisation réussie, avec des moments assez brillants sur les transitions entre temporalités… Cette troisième saison, si elle n’est pas ma préférée, reste globalement excellente et est même brillante sur certains aspects.

Un commentaire sur “True Detective (Saison 3) – HBO

Laisser un commentaire