True Detective: Night Country (Saison 4) – HBO

Résumé :
« Alors qu’une longue nuit d’hiver tombe sur la ville d’Ennis, en Alaska, les huit hommes en charge de la station de recherche arctique de Tsalal disparaissent sans laisser de traces. Pour résoudre l’affaire, les détectives Liz Danvers et Evangeline Navarro vont devoir surmonter leurs propres démons et sonder les glaces éternelles à la recherche des secrets les plus profondément enfouis. »

Fiche technique :
Network: HBO
Créateur : Issa López
Réalisateurs : Issa López
Scénaristes : Issa López, Alan Page Arriaga, Namsi Khan, Chris Mundy, Katrina Albright, Wenonah Wilms
Acteurs principaux : Jodie Foster, Kali Reis, Fiona Shaw, Finn Bennett, Isabella Star LaBlanc, John Hawkes

Après trois saisons, Nic Pizzolatto abandonne son rôle de « Showrunner » et scénariste à Issa López qui relance la série. Trois changements d’emblée, d’abord le format passe de huit à six épisodes ; ensuite la saison gagne un titre, Night Country ; enfin pour la première fois la série nous offre un duo de « True Detective » 100 % féminin.

Alors que plusieurs mois de nuit ininterrompue s’annoncent pour la ville d’Ennis au-delà, sur le cercle polaire arctique, l’équipe de recherche de la station Tsalal disparait sans laisser de traces. Alors que l’équipe de police locale de Liz Danvers (Jodie Foster) inspecte la station, une langue est retrouvée. Elle appartient à la victime du meurtre non élucidé d’Annie Kowtok qu’Evangeline Navarro (Kali Reis), ex-équipière de Denvers, n’a jamais pu oublier. Rose Aguineau (Fiona Shaw), guidée par le fantôme de son ancien amant Travis Cohle, découvre les corps nus des chercheurs, figés dans la glace, leurs vêtements soigneusement pliés sur la neige.

L’intrigue nous montre que la vie sociale et sociétale dans ses territoires isolés n’est pas facile. Que comme dans beaucoup de territoires américains, la vie n’est pas commode quand on est une femme autochtone. À nouveau, les protagonistes sont des personnes avec leurs défauts, leurs démons et leurs fantômes. Toutefois, cet aspect-là abandonne totalement la subtilité habituelle de la série. Ici, on flirte très ouvertement avec le surnaturel et le sujet de la croyance. Pour ma part, cela m’a fait penser au roman, et la série qui en a été tirée, « The Terror ». Plutôt que d’être rongé par des éléments qu’on découvre via des flashbacks, ici des personnages voient ou croient voir des fantômes. Ce point est contrebalancé avec la question de la santé mentale fragile et vacillante de certains personnages. C’est malheureusement bien moins subtil. L’enquête joue régulièrement à mettre les enquêtrices et les spectateurs sur des fausses pistes. Néanmoins, comme nous verrons plus loin, certaines sont carrément décevantes. Les plus grosses qualités du scénario sont la large place laissée aux femmes et la résolution d’enquête la plus surprenante de la série. La place des femmes, de la plupart de celles qu’on croise, n’est pas facile et par moment douloureux tant ce que la plupart d’entre elles subissent injuste et/ou violent. Une fin ou justement, jusqu’au bout où presque, on pourrait croire à une cause surnaturelle, avant d’avoir une exploration « terre-à-terre » assez jubilatoire.

Le duo d’enquêtrices marche plutôt vraiment bien. Elles partagent un lourd secret qui date de l’époque où elles étaient équipières, passent leur temps à se bouffer le bec tout en ayant un franc respect l’une pour l’autre. Jodie Foster est globalement très bonne dans le rôle de Liz Danvers, flic cynique au possible. Toutefois, c’est dans le moment où le personnage fait preuve d’humour et de tendresse que l’actrice excelle le plus. La surprise vient de Kali Reis qui interprète Evangeline Navarro. L’actrice, encore débutante (elle est boxeuse professionnelle) n’en est qu’à son troisième rôle. Elle-même d’origine autochtone, sa carrure athlétique et son corps tatoué collent à merveille à son personnage à la fois obsessionnel et enragé. Une fois qu’on a vu ces actrices incarner ces personnages, difficile d’imaginer qui que ce soit d’autre tenir ces rôles.

Pour ce qui est de la réalisation, la pâte typique des trois premières saisons s’est envolée. Les plans contemplatifs sont encore là, toujours aussi beaux, mais moins contemplatifs. Surtout, l’ambiance poisseuse qu’ils aidaient à installer laisse ici place à une ambiance très différente, froide, sombre qui donne une impression de claustrophobie malgré les grands espaces. Le rythme est globalement plus élevé, notamment du fait que l’affaire se déroule dans une zone moins peuplée. Aussi parce que, mis à part quelques flashbacks, la série ne joue pas avec des temporalités multiples et contracte son intrigue sur environs deux semaines. Cela rend probablement la série plus accessible. Il faut toutefois saluer le sens du suspense et du cliffhanger, l’impression de malaise lorsque la série titille le surnaturel au point qu’en quelques occasions (notamment la fin de la découverte des cadavres des chercheurs) on se demande si personnages et spectateurs ne seraient victimes d’une hallucination.

Au niveau de l’univers « True Detective », cette saison fait de nombreux liens avec la première et… n’en fait rien. Éplucher les comptes de la station de recherche Tsalal et découvrir un financement de « l’empire Tutle », Raymond Clark qui reprend une citation de Rust Cohle, la présence du « fantôme » de Travis Cohle, père de Rust, la présence du symbole en spiral… Tout cela n’apporte rien si ce n’est des faux espoirs de liens profonds entre les deux histoires. La scène du « suicide des rennes » de l’intro de la série n’est pas expliquée non plus.

J’avais dit que la première saison de « True Detective » avait tout ce que j’attendais d’une éventuelle série anthologique dans l’univers de « Delta Green ». Les saisons deux et trois n’avaient plus cette empreinte « DG ». « Night Country », si elle abandonne la plupart des atouts de ses prédécesseures, retrouve une part de cette ambiance « Delta Green ».

En réinventant « True Detective », Issa López prend le risque de décevoir. Le rythme et l’ambiance sont très différents. L’intrigue est plus ramassée et son rythme un peu plus soutenu. Malheureusement, la convocation gratuite d’éléments renvoyant à la première saison (ma préférée) pour ne rien en faire est décevante. Toutefois, cette saison donne toute sa place aux femmes dans un cadre qui leur fait encore moins de cadeaux que les précédents. La place de la femme, qui plus est autochtone, dans le grand-Nord-Américain est mise en avant de façon franchement touchante et douloureuse. La saison nous offre la fin la plus surprenante de la série en prenant à contrepied tout ce que les saisons précédentes avaient fait. Si « Night Country » n’est pas ma saison préférée, elle reste globalement solide et supérieure, comme toujours, aux séries policières grand public.

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