Furiosa : Une saga Mad Max — George Miller

Résumé :
« Dans un monde en déclin, la jeune Furiosa est arrachée à la Terre Verte et capturée par une horde de motards dirigée par le redoutable Dementus. Alors qu’elle tente de survivre à la Désolation, à Immortan Joe et de retrouver le chemin de chez elle, Furiosa n’a qu’une seule obsession : la vengeance. »

Fiche technique :
Réalisateurs : George Miller
Scénaristes : George Miller, Nick Lathouris
Acteurs principaux : Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Tom Burke, Lachy Hulme

furio

Comme prévu, après avoir revu puis chroniqué « Fury Road », voici ma chronique de « Furiosa », film portant sur un personnage que George Miller a su, via « Fury Road », imposer de manière quasi mythique en un seul film. Avec « Furiosa », le réalisateur-scénariste nous livre l’origine story du personnage. Univers « Mad Max » oblige, et via ce qu’on a déjà glané dans « Fury Road », on sait que ce sera tout sauf une histoire heureuse.

L’histoire est découpée en chapitre, annoncé en texte blanc sur fond noir. Sobre, mais ce qui nous aura valu la sortie la plus lunaire d’un youtubeur-ciné pour qui ceci est « la preuve que Miller ne sait pas comment raconter une histoire… » La toute jeune Furiosa fait partie d’une petite communauté qui vit discrètement dans la Terre Verte, endroit qui fait office de jardin d’Eden dans un monde de Désolation. Tentant de donner l’alerte, Furiosa est enlevé par des bikers qui veulent la rapporter avec eux comme preuve de l’existence d’une « terre d’abondance ». Sa mère, Mary Jabassa (Charlee Fraser), se lance dans une poursuite implacable à travers le désert pour récupérer sa fille. Cela la mène au campement du seigneur de guerre Dementus (Chris Hemsworth) et à la mort. Dementus « adopte » alors Furiosa et compte se lancer dans la conquête de la Désolation. C’est ainsi qu’il croise la route d’Immortan Joe et ses warboys fanatiques et va connaitre une pitoyable déconvenue initiale. Dementus va toutefois parvenir, à force d’audace et de sauvagerie, à s’imposer dans le triangle Citadelle-Moulin-Pétroville. Dans l’affaire, il va néanmoins perdre Furiosa au profit d’Immortan. Nous assistons alors en parallèle à l’ascension de Furiosa, notamment aux côtés de Praetorian Jack (Tom Burke) et de la chute, façon grandeur et décadence, de Dementus. L’ascension de Furiosa ne sert initialement qu’un objectif, regagner la Terre Verte. Mais ce souhait va entrer en collision avec l’ambition toujours trop grande de Dementus et mettre Furiosa sur la voie de la vengeance.

Si, comme certain, vous allez voir « Furiosa » dans l’espoir de voir un « Fury Road bis » vous serez déçu. Mais en même temps, quel aurait été l’intérêt pour Miller, comme pour nous, d’avoir une redite de « Fury Road ». Le réalisateur nous livre une fresque épique plutôt qu’un feu d’artifice d’action. Avant de devenir un mythe, l’Imperator, Furiosa a été une enfant, une adolescente puis une jeune femme qui en a pris plein la gueule toute sa vie. Elle a enduré, s’est endurcie dans le seul but de tenir sa promesse : regagner son monde. On découvrira aussi comment elle a perdu son bras, une bonne contribution au mythe du personnage. Elle forge sa légende de « Road Warrior » au côté de Praetorian Jack, mentor, puis plus que ça. Un personnage qui parle peu, au sang-froid absolu, mais dont on se demande ce qui le motive. Le personnage de Dementus permet à Chris Hemsworth de livrer une sacrée performance avec un personnage aussi dingue que pathétique. Il rêve de grandeur et est dévoré par l’ambition au point de ne pas savoir s’arrêter. Alors qu’il a enfin une bonne part du gâteau, il lui faut toutes les autres ainsi que le contenu du frigo et des placards. Le personnage se pensant grand, immense, il va plonger et tout perdre avant de finir entre les mains de celle à qui il a tout prit. Cette opposition entre d’un côté Furiosa qui n’a d’autre ambition que sa vengeance, mais qui deviendra une légende et de l’autre un Dementus qui n’est qu’ambition et rêve de grandeur n’en est que plus prenante tant Dementus devient chaque fois plus pathétique alors que son ambition provoque sa chute. Toujours dans l’idée de ne pas « répéter Fury Road », Miller fait l’impasse sur la fin spectaculaire et héroïque pour laisser place au dialogue et à la voix off, nous rappelant que cette histoire n’est qu’un mythe et que la fin n’a rien d’heureuse. La seule satisfaction qu’y trouve notre héroïne est l’accomplissement de sa vengeance, la création de son propre mythe, une étape vers ce que nous racontera « Fury Road ».

Le film est aussi l’occasion de développer un peu plus le worldbuilding, par petites touches. On découvre enfin le Moulin à balles, Pétroville et la Terre Verte évoquée dans « Fury Road ». Au détour d’une scène, on note par exemple un détail très intéressant sur comment se nourrit une partie de « ceux qui ne sont rien ». Un peu comme dans « Fury Road », le temps d’une scène, Miller en dit beaucoup en quelques images et gestes. À nouveau, bien que le film porte une énorme violence, Miller la gère avec subtilité en suggérant plus qu’en montrant. La mise à mort des proches de Furiosa, la perte de son bras… Tout cela est violent, parfois extrême, mais n’est quasiment pas montré et nous épargne une surexposition du gore et les plans confinant trop au « voyeurisme ». Le film est aussi une mise en perspective cynique de l’ordre établi que nous présentait « Fury Road », aussi ignobles que soient Immortan, le Mange-Personne et le Meunier, ils représentent une forme d’ordre et de stabilité dans la Désolation. Cette stabilité fragile assurée par la circulation des ressources entre la Citadelle, le Moulin et Pétroville n’est qu’une singerie de notre société ultralibérale. Si la machine s’enraye, tout risque de s’effondrer.

Visuellement, on retrouve globalement les teintes, la photographie et le sens du cadrage qui ont fait le succès de « Fury Road ». La photographie est toutefois un poil plus « clinique ». Si l’action est aussi bien gérée et intense, elle est toutefois un peu moins présente que dans le film précédent. On a à nouveau le droit à une incroyable course poursuite, qui se transforme en une véritable démonstration de mise en scène, nous rappelant que le chef-d’œuvre « Fury Road » n’avait rien d’accidentel. Le seul élément un peu moins bien est l’intégration des effets spéciaux qui, si elle n’est pas ratée, est moins réussie et un peu plus voyante que dans le premier. Une des séquences les plus marquantes du film pour moi a été « Les quarante jours de la désolation », la bataille entre les troupes d’Immortan et Dementus. Une guerre apocalyptique et d’une violence inouïe exposée sous un angle contemplatif qui donne une aura mythique à l’évènement.

Élément intéressant, le film nous donne à voir Scrotus, l’un des fils d’Immortan et frère de Rictus. On notera alors que le personnage était « étrangement » absent de « Fury Road ». Pourquoi ? Parce que Max l’a tué dans les évènements des jeux vidéo « Mad Max » de 2015. Cela rend donc les évènements du jeu « canon » dans l’univers de Georges Miller.

Niveau casting, qu’Anya Taylor-Joy livre une performance solide avec une Furiosa encore jeune et plus fougueuse que dans « Fury Road » où le personnage était empreint d’une sorte de lassitude dans sa quête paix et de rédemption. Comme je l’ai dit plus haut, Chris Hemsworth livre une performance intense et grandiloquente pour un personnage aussi marquant sur le moment qu’insignifiant à l’échelle de l’histoire de la Désolation. Les deux personnages, leurs attitudes et leur incarnation par les acteurs sont tout en opposition. Une Furiosa, furieuse, mais mutique face à un Dementus virevoltant, bavard et qui en fait souvent trop. Tom Burke, que je ne connaissais pas, campe efficacement un Jack froid, comme intouchable. Charlee Fraser, que je ne connaissais pas non plus, pose en quelques scènes une Mary Jabassa plus que convaincante et qu’on aimerait presque voir dans un film dédié à son personnage. Un changement au casting que je n’ai même pas remarqué est le remplacement de Hugh Keays-Byrne par Lachy Hulme dans le rôle d’Immortan Joe.

« Furiosa » est-il aussi dément et incroyable que « Fury Road » ? Pas tout à fait. Miller n’étale pas autant sa maitrise de l’action, car elle prend un peu moins de place que dans le film précédent. Toutefois, on y retrouve la même capacité à raconter une histoire en faisant à nouveau preuve d’un sacré sens du détail et du rythme. Cela permet, en plus de faire preuve de subtilité dans la narration et d’étoffer le worldbuilding. « Furiosa » est un film épique et assez jubilatoire, qui nous raconte enfin l’origine de la légendaire et mythique Furiosa. Vivement « Wasteland » !

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