Les Ombres de Thulé – Patrick Mallet & Lionel Marty

Résumé :
« Écosse, IIe siècle apr. J.-C. Au-delà du mur d’Antonin, la guerre entre l’envahisseur romain et les peuples Gaël et Pictes piétine. Manipulé par une sorcière, le général romain Horatius libère un fléau ancestral sur la terre de ses ennemis : les Ombres de Thulé. Pour faire face à cette menace, le roi des Pictes devra unir des peuples autrefois ennemis et faire appel à des pouvoirs oubliés. »

Fiche technique :
Scénariste : Patrick Mallet
Illustrateur : Lionel Marty
Coloriste : Axel Gonzalbo
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Pagination : 144 pages

Il est des projets qu’on attend des mois, voire des années. Pour moi, « Les Ombres de Thulé » est de ceux-là. Deux ans qu’à cause de son dessinateur, Lionel Marty, j’attends la sortie de cette bande dessinée. J’adore le travail de ce dessinateur dès qu’il se frotte à l’Heroic/Dark Fantasy. En feuilletant son artbook, 7^ème Cercle, je me disais « Il faut que ce mec adapte Conan ». À défaut de Conan, le voilà avec une œuvre à la hauteur de son style, de son talent et des aspirations.

Si vous suivez ce blog de manière assidue, vous aurez remarqué que je chronique et lis assez peu de Fantasy. C’est un genre que j’apprécie, de manière occasionnelle. Je n’en suis pas l’actualité, je ne cours pas après les nouveautés. Mon sous-genre de Fantasy préféré est la Dark Fantasy, tant qu’elle n’est pas trop Dark. J’évoquais récemment Conan le Cimmérien, et c’est en effet dans l’univers d’Howard que je trouve mes ingrédients préférés de l’Heroic/Dark Fantasy. Le scénario de Patrick Mallet, qui semble tailler sur mesure pour Lionel Marty, est un concentré puissant, mais savoureux de tout ce que j’aime dans l’œuvre d’Howard, avec même un supplément sur l’aspect « horreur Eldritchienne » en hommage à un autre auteur dont j’aime le travail : HP. Lovecraft. Bref, si le scénariste a fait du sur mesure pour son dessinateur, il l’a aussi fait pour moi.

Pour l’aspect visuel, je l’ai dit plusieurs fois, mais je vais me répéter, cette œuvre est taillée pour Lionel Marty. Dès les premiers croquis qu’il a commencés à teaser il y a environ deux ans, je m’attendais à une claque graphique. Je suis servi de bout en bout. Les personnages ont tous un design du tonnerre, parfois très original, parfois dans une normalité efficace, mais toujours réussie. Les fameuses « Ombres de Thulé » sont l’occasion pour le dessinateur de nous offrir des horreurs cosmiques grouillantes au cours de pages démentes et épiques. Il y a tout ce qu’on attend d’une œuvre de Dark fantasy, des combats violents et sanglants (les têtes volent et les tripes s’écoulent), des scènes épiques, désespérées et apocalyptiques. Le trait est aussi puissant que détaillé et fouillé.

C’est riche, dynamique, brutal, mais beau. Les compositions et le découpage sont l’occasion de nous offrir quelques très grandes cases et doubles-pages absolument épiques et bluffantes. Le travail d’Axel Gonzalbo sur les couleurs fait tout autant mouche, portant les zones qui fourmillent de détails, encadrant l’encrage puissant, sublime les ambiances, posant des atmosphères redoutablement efficaces. Bref, visuellement, c’est superbe de bout en bout.

Pour ce qui est de l’édition, au-delà de la superbe illustration de couverture, il s’avère que le titre est anobli par un vernis en relief et argenté. Une fois le récit terminé, nous avons le droit à une interview assez intéressante de Patrick Mallet et Lionel Marty qui se livrent sur la formation de leur duo, leurs inspirations et aspirations. Le tout est agrémenté de croquis, ébauches et brouillons. C’est un bonus appréciable, d’autant que j’adore regarder les croquis et crayonnés de Lionel Marty.

« Les Ombres de Thulé » est une « master class » de la bande dessinée de Dark Fantasy. Un concentré de ce qui me plait le plus dans l’œuvre de Robert E. Howard, et dans la fantasy en général, tout augmentant la dose d’horreur Eldritchienne. Si l’interview de fin d’ouvrage est claire quant au fait que Patrick Mallet et Lionel Marty nous préparent d’autres projets et univers, il est aussi espéré qu’Axel Gonzalbo sera de l’aventure. Les trois comparses nous offrent un « one shot » épique, brutal, spectaculaire, sombre et désespéré, mais aussi grandiose. Le rythme est effréné, l’écriture est d’une redoutable efficacité et les personnages dépassent intelligemment les archétypes auxquels ils rendent hommage. Lionel Marty livre tout ce que j’espérais de son dessin et même plus encore. Son dessin est tout aussi bestial que Cormac et tout aussi épique que les terrifiantes « Ombres de Thulé ». Le tout est magnifiquement accompagné par les couleurs d’Axel Gonzalbo. Je tiens probablement à la fois ma bande dessinée et mon œuvre fantasy de l’année. J’espère vraiment voir ces trois lascars continuer à nous abreuver d’histoires de Dark Fantasy épiques dans les années à venir. Bravo et merci.