True Detective (Saison 1) – HBO

Résumé :
« Louisiane, 1995 : deux inspecteurs de la Louisiana State Police, Rust Cohle et Martin Hart, sont chargés de résoudre le meurtre d’une jeune femme coiffée de bois de cerfs et tatouée de dessins sataniques. Dix-sept ans plus tard, alors qu’ils ont quitté la police, ils sont contactés par deux autres inspecteurs quand un meurtre similaire est commis. »

Fiche technique :
Network: HBO
Créateur : Nic Pizzolatto
Réalisateurs : Cary Joji Fukunaga
Scénaristes : Nic Pizzolatto
Acteurs principaux : Matthew McConaughey, Woody Harrelson, Michelle Monaghan, Michael Potts, Tory Kittles

Une série qui est dans ma « WatchList » depuis sa sortie. Elle avait pas mal d’atouts pour me séduire : saison courte, format anthologique, grosse distribution… mais comme souvent : pas le temps. Puis récemment, alors que la saison 4 venait de sortir et était plutôt bien reçue, je me disais, pour la énième fois, que l’univers Delta Green se prêterait à ce genre de format. C’est alors qu’on m’a fait savoir que la saison 1 et la saison 4 de « True Detective » étaient probablement ce qu’il y a de plus proche de l’ambiance et du ton de « Delta Green ». J’ai donc arrêté de repousser mon visionnage et je me suis lancé… dix ans après tout le monde.

« Le monde a besoin d’hommes mauvais. Nous empêchons d’autres hommes mauvais d’entrer. »

Bref, parlons de la saison 1 de « True Detective ». On alterne entre deux temporalités : 1995, Rust Cohle (Matthew McConaughey) et Martin Hart (Woody Harrelson), inspecteur à la criminelle se retrouve à travailler sur une affaire de meurtre qui a tout de rituel. Rust, personnage atypique s’il en est, comprend dès l’examen de la scène de crimes qu’ils ont affaire à un tueur en série qui n’en est probablement pas à son coup d’essai et dont les meurtres sont jusque-là passés sous les radars. Marty est un flic plus classique, qui n’a rien d’impressionnant et qui n’a pas les instincts ou l’éducation de son collègue, il se fait entrainer dans le sillage de Rust dont le flair et l’abnégation vont rapidement le convaincre. L’autre temporalité, c’est le présent, plus précisément 2012. Un présent post-Katrina ou, alors qu’ils ont visiblement quitté la police depuis quelques années, ils sont respectivement interrogés par deux enquêteurs. On y retrouve un Rust lessivé, qui fume comme un pompier, très porté sur la bouteille et qui a pris un sacré coup de vieux. Il comprend rapidement que s’il a été convié à cet interrogatoire, c’est parce qu’il y a eu un nouveau meurtre, et ce, malgré le fait que Marty et lui ont théoriquement « coincé » le coupable en 1995. Sur les six premiers épisodes, on alterne entre scènes d’interrogatoire et flashbacks. Une enquête tentaculaire, un bayou profond à la pauvreté poisseuse et désespérante, la relation compliquée de Rust avec le monde entier, la vie de « queutard infidèle » de Marty qui va foutre son mariage en l’air, le rapport tendu entre les deux hommes, le passé trouble et tragique de Rust, ses méthodes parfois expéditives et surtout sa détermination extrême à trouver les réponses. Les deux derniers épisodes se déroulent à notre époque alors que les deux ex-flics, en froid depuis des années, vont se réassocier pour faire la lumière sur cette affaire. On découvre alors que Rust a toujours su au fond de lui que, oui, le coupable qu’ils avaient « coincé » en 1995 n’était pas le bon et que oui, tous les soupçons qu’il avait sur un groupe criminel tentaculaire étaient vrais. Les deux hommes se lancent alors en toute illégalité dans une dernière chasse pour mettre fin à tout ça.

« Je pense que la conscience humaine est une erreur tragique de l’évolution… »

Quelle claque que cette série ! J’ai adoré l’ambiance poisseuse, sale, désespérante tout en étant très référencée (Robert W. Chambers) ainsi que la réalisation au rythme posé et parfois contemplatif. L’ambiance « 1995 » est superbement rendue et les décors sont magnifiques. La série prend les codes du cinéma et les adapte au monde des séries TV, gommant ainsi les frontières entre les deux formats. L’ambiance me rappelle ce que j’aime dans la mise en scène des films de Michael Mann (Miami Vice, Collateral…) ou dans le « Sicario » de Denis Villeneuve. La gestion de la violence est aussi intéressante, car malgré tout ce qu’induisent le scénario et le jugement qu’il porte, il a tout de même une certaine forme de retenue. La distribution est globalement géniale, mais quelle performance de Matthew McConaughey ! Il est totalement habité par son personnage ! Solitaire, obsédé, cynique, pessimiste et nihiliste. Pour lui ce qui fait notre Humanité est une erreur de la nature. Tout au long de la série, le personnage et le jugement qu’il porte sur notre espèce, notre société et notre civilisation ont quelques choses de glaçantes et fascinantes. La raison est simple, il n’a pas tout à fait tort. Certaines de ses réflexions rejoignent d’ailleurs les sujets qu’aborde Peter Watts dans des œuvres comme « Vision Aveugle » et « Échopraxie ». La gestion du duo Rust-Marty a cela de fascinante que le scénario casse très vite le délire prévisible inspiré des « buddy movies ». Les deux hommes ne s’aimeront jamais. Rust n’est d’ailleurs probablement plus capable de tel sentiment. Marty quant à lui à un gros problème avec son rapport aux femmes. L’écriture de Nic Pizzolatto et la réalisation de Cary Joji Fukunaga nous offre une série, surtout une saison 1, qui a fait date à son époque (2014) n’a que peu de rivale dans son genre. C’est pour toutes ces raisons que je préfère le format anthologique qui offre des séries avec une histoire unique, mais solide et des moyens pour développer tout cela sur une poignée d’épisodes.

Je n’arrive pas à trouver de défaut à cette saison de True Detective tant elle coche toutes les cases de ce qui me plait en termes d’écriture, réalisation, jeu et ambiance. Et comme j’évoquais « Delta Green » en début d’article, je dois bien avouer que oui, cette saison 1, avec toutes ses références bien senties aux lovecrafteries et sa direction artistique globale, est tout ce que j’aimerais voir dans une éventuelle série officielle « Delta Green ».

« La mort a créé le temps pour faire grandir les choses qu’elle allait tuer. »

En conclusion, absolument pas objective parce que « chacun ses goûts », True Detective est l’une des meilleures séries que j’ai vues et se hisse immédiatement dans mon top du top (je ne fais jamais ou presque de classement). C’est sombre à crever, sale et poisseux, mais c’est aussi visuellement beau et maitrisé. L’écriture est une réussite majeure. Le duo McConaughey —Harrelson est brillant et McConaughey livre une performance incroyable. Les cinq Emmy Awards reçus en 2014 et toutes les autres récompenses reçues sont amplement méritées. Si comme moi, vous avez retardé votre visionnage, foncez ! Si vous n’avez jamais entendu parler de « True Detective », foncez !

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