The Creator – Gareth Edwards

Présentation :
« Dans un futur proche, les humains et l’intelligence artificielle (IA) se livrent une guerre sans merci. Joshua, un ex-agent des forces spéciales fragilisé par la disparition de sa femme, est recruté pour traquer et neutraliser Nirmata, l’insaisissable architecte d’une IA avancée à l’origine d’une arme qui pourrait mettre fin à la guerre… »

Fiche technique :
Réalisateur : Gareth Edwards
Scénaristes : Gareth Edwards et Chris Weitz
Acteurs principaux : John David Washington, Gemma Chan, Ralph Ineson, Allison Janney, Ken Watanabe, Madeleine Yuna Voyles

Je vous avais déjà fait savoir, au printemps dernier, comme j’attendais ce film. À peine sortie et déjà visionner et autant vous dire que j’ai passé un très bon moment. Je précise que j’ai vu le film en VO et ne peux donc juger de la qualité de VF.

Gareth Edwards et Chris Weitz nous proposent une histoire qui se déroule dans les années 2060 dans un monde qui ne fait pas rêver. Los Angeles a été atomisée par les IA et depuis le monde occidental (les États-Unis surtout) mène à leur encontre une guerre d’extermination après les avoirs faits bannir du monde occidental. Ainsi, les IA, qu’elles animent un « simulant » ou un robot, ont trouvé refuge en Asie où elles semblent mener une existence tout à fait pacifique et prospère avec les humains de cette région. Joshua, (John David Washington) ancien militaire, se fait sortir de sa retraite par l’armée pour trouver la planque de Nirmata, le concepteur/Dieu des IA qui serait en train de mettre au point une arme capable de neutraliser NOMAD (North American Orbital Mobile Aerospace Defense), la station orbitale américaine utilisée pour traquer et détruire les IA. La colonelle Howell (Allison Janney) parvient à convaincre Joshua en lui montrant un hologramme de vidéo surveillance sur lequel sa femme Maya (Gemma Chan), supposée morte cinq en plus tôt, prenant part à des actions de Nirmata. Joshua se laisse convaincre et part en mission commando en Asie pour détruire Alpha-O (l’arme miracle des IA) et retrouver sa femme. Toutefois, la mission tourne mal et il s’avère qu’Alpha-O est une enfant simulante. Joshua l’embarque alors dans une course effrénée avec « Alphie » dans l’espoir de retrouver Maya alors qu’Howell se lance impitoyablement à sa poursuite.

J’ai lu à droite à gauche, le scénario et les personnages n’avaient rien d’original. Il est vrai que Gareth Edwards et Chris Weitz recyclent bien des tropes connus des amateurs de SF : guerre IA/Humain, apocalypse nucléaire déclenchée par les IA, robot doté d’émotion… et les personnages sont assez archétypaux. Pourtant, l’ensemble est très cohérent et efficace et réserve même une ou deux surprises. Edwards et Weitz s’approprient tous ces tropes et arrivent à en faire un monde cohérent qu’on prend plaisir à découvrir et ils nous offrent par la même occasion une histoire qui est franchement touchante. Je regrette juste qu’un ou deux points un peu surprenants n’aient pas été plus exploités (je reviendrais dessus dans un paragraphe de spoiler). On tiquera éventuellement sur un point de worldbuilding avec cette improbable fédération asiatique de « New Asia » qui semble rassembler toute l’Indochine et la Chine (entre autres). Toutefois, j’ai trouvé très intéressante cette inversion, presque clichée, de la façon dont sont représentés les deux camps. Les IA font preuve d’une humanité incroyable et troublante, là où l’armée américaine fait office de Skynet/Terminator tant dans sa détermination que l’extrême brutalité dont elle fait preuve pour atteindre ses objectifs.

Concernant les personnages, oui, ils sont en effet archétypaux et sont constitués pour plusieurs d’entre eux d’un simple nom ou d’un prénom accompagné d’une exposition minimale, mais ils sont cohérents, efficaces et ne tombent pas dans les clichés, et sont aussi solidement campés par leurs acteurs. L’exemple le plus marquant et inattendu est la colonelle Howell jouée par Allison Janney. Un personnage sans pitié, qui pourtant, lors d’une de ses premières scènes, arrive à être étonnamment émouvant lorsqu’elle se livre. Et la scène en question est même très intéressante, car elle soulève une question qui restera sans réponse : le passé qu’elle évoque est-il une réalité ou un mensonge ayant pour simple but de manipuler Joshua ? Enfin, la performance de Madeleine Yuna Voyles (Alphie) va crescendo et le dernier acte du film nous montre que cette gamine est sacrément douée.

Avant de spoiler un peu, parlons de l’aspect visuel et sonore. Gareth Edwards montre depuis ces débuts un sens de l’esthétique, de la composition et de l’usage des effets spéciaux dont je suis totalement fan. En 2010, Monsters avec son micro budget s’était révélé plus convaincant que beaucoup de film de monstre à gros budget et posait une ambiance incroyable. Son Godzilla de 2014 était visuellement dingue avec des compositions visuelles bluffantes. Son Rogue One est le seul film Star Wars convaincant de l’ère Disney. Le trailer de « The Creator » avec des designs et des ambiances évoquant par moment une version « asiatisée » du travail du talentueux illustrateur Simon Stålenhag m’avait franchement emballé. C’est simple, à l’ère des films Marvel aux budgets faramineux pour des résultats visuels pourtant peu convaincants, on a du mal à croire que « The Creator », n’a coûté que 80 millions de dollars tant il est beau et soigné. Le réalisateur arrive à mêler spectacle et contemplation dans des images saisissantes, avec des décors incroyables, un sens de l’échelle qui donne parfois le vertige et un travail de design ultra-convaincant. La plupart des scènes en extérieur ont été tournées en décors naturels auxquels des effets spéciaux ont ensuite et ajouté. Les designs d’armes, de robots et de véhicules sont vraiment tops. Gareth Edward montre une maitrise folle de l’esthétique SF et de l’esthétique militaire, la scène d’insertion du commando de Joshua et Howell sur fond de remix de « Everything in Its Right Place » en est un bel exemple. Le sens du détail et de la composition est constant tout au long du film, arrivant à donner du spectaculaire même dans des scènes dont ce n’est pas le but. Les effets spéciaux sont simplement au top. Tellement propre et bien intégré que, contrairement aux superproductions type Marvel ou Jurassic World, on y croirait notamment sur le plan de la photographie (Oren Soffer et Greig Fraser), un concept que semble avoir oublié tant Marvel Studio que Colin Trevorrow (pour ne citer quelques exemples). C’est simple, je vais me jeter sur l’artbook prévu pour le mois de novembre, puis sur le Blu-ray dès qu’il sera disponible. Il n’est pas impossible aussi que je retourne regarder le film au cinéma, c’est dire.

Venons-en aux spoilers en commençant par les quelques points de scénario sous-exploités. Le personnage d’Harun (Ken Watanabe) évoque le fait que l’atomisation de Los Angeles n’a pas été causée par les IA, mais en réalité serait dû à une erreur de programmation, donc une erreur humaine. Si c’est vrai, le monde occidental s’est donc lancé dans une guerre d’extermination des IA sur un mensonge (on peut y voir un parallèle avec l’invasion de l’Irak en 2003) visant à couvrir une de ses propres erreurs. Si cet élément n’est pas plus exploité, d’autres éléments sèment le doute. Ainsi, si l’on finit par découvrir que Maya est Nirmata, le dernier quart du film, se déroulant dans la station NOMAD est troublant. « Alphie » y cherche « Mère » c’est-à-dire Maya/Nirmata et tombe dans une pièce pleine de simulants (cyborg) ayant l’apparence de Maya. On sait que dans les pays autorisant les IA, les humains peuvent se faire scanner pour que leurs traits soient utilisés par les simulants, nous savons aussi que Maya s’est certainement prêtée au jeu. Mais l’occident ayant banni les IA et donc les simulants, comment se fait-il qu’il y ait des « Mayas » stockées dans NOMAD ? Est-ce qu’avant « Los Angeles » Maya/Nirmata travaillait pour le Département de Défense (DoD) américain ? Est-ce que l’erreur ayant engendré la destruction de Los Angeles a causé la rupture entre Nirmata et le DoD ?

Avec Nirmata, pardon, The Creator, Gareth Edwards recycle et transcende des tropes bien connus des amateurs de SF. Il parvient à nous livrer des personnages étonnement archétypaux, mais efficaces, et je pense que le talent des acteurs n’y est pas pour rien. Mais là où le film explose tout, c’est sur le plan visuel. C’est magnifique sur tous les plans VFX, composition, design, réalisation. Une claque absolue qui enterre au passage nombre de blockbusters récents. Vu ce que le cinéma de SF à gros budget et les blockbusters en général nous ont donné à voir ces dernières années, j’ai ici l’impression d’assister à un miracle ou d’avoir croisé une anomalie. Il semble qu’il soit encore possible de faire du « blockbuster d’auteur » et d’avoir un vrai beau film de SF.

P.S : Gareth Edwards, si tu passes par ici (sait-on jamais) explique-moi pourquoi le film ne s’appelle tout simplement pas « Nirmata » ?!

Besoin d’un autre avis ? Pourquoi pas le « A chaud » d’Horizon Universe ?

2 commentaires sur “The Creator – Gareth Edwards

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