Prey –  Dan Trachtenberg

Résumé :
« Il y a trois siècles, sur le territoire des Comanches, Naru, une farouche et brillante guerrière, se fait désormais un devoir de protéger sa tribu dès qu’un danger la menace. Elle découvre que la proie qu’elle traque en ce moment n’est autre qu’un prédateur extraterrestre particulièrement évolué doté d’un arsenal de pointe des plus sophistiqués. Une confrontation aussi perverse que terrifiante s’engage bientôt entre les deux adversaires… »

Fiche technique :
Réalisateur : Dan Trachtenberg
Scénaristes : Patrick Aison
Acteurs principaux : Amber Midthunder, Dakota Beavers, Dane DiLiegro

J’avoue que je n’attendais plus grand-chose de la franchise Predator. Il faut dire qu’après les deux premiers films de John McTiernan (Predator en 1987) et Stephen Hopkins (Predator 2 en 1990) les catastrophes industrielles se sont enchainées avec « Predators » de Nimród Antal en 2010, « The Predator » de Shane Black en 2018 ainsi que les deux opus « Alien VS Predator » sur lesquels je ne ferais même pas de commentaire. Aussi, quand le projet « Prey » a été annoncé, je suis resté indifférent ; puis le trailer est sorti et m’a agréablement surpris. Le fait de placer l’intrigue au 18ème siècle, chez les Comanches et d’avoir une femme pour personnage principal me semblait indiquer des changements pouvant insuffler un nouveau souffle à la licence.

Le film se déroule donc en 1719, la jeune Comanche Naru (Amber Midthunder) aspire à devenir une chasseuse-guerrière, mais nombre de jeunes hommes de la tribu lui rappellent où est la place d’une femme (grosso modo à la cuisine). Seul son frère Taabe (Dakota Beavers) lui reconnait du talent : c’est une bonne pisteuse, elle connaît les bases de la médecine comanche, se débrouille pas mal avec les armes et surtout est une fine tacticienne qui a très souvent un coup d’avance. Lorsqu’un membre de la tribu est attaqué par un Puma, Taabe et ses hommes partent en chasse, mais Naru décide de les accompagner. Si la victime du Puma est retrouvée et survit grâce à la jeune femme, cette dernière a su relever les indices indiquant qu’un prédateur non identifié arpente dans la zone. Puisqu’aucun des hommes de l’expédition n’écoute ses avertissements, Naru finit par se lancer seule sur la piste du mystérieux prédateur.

Le film n’est franchement pas trop mal écrit pour un film « Predator » et sera une bonne surprise pour ceux connaissant la licence tout en étant une bonne porte d’entrée pour ceux qui ne la connaissent pas. En effet, dans les grandes lignes, Prey reprend les codes du premier film pour introduire la menace que représente le Predator, mais aussi ce qui permettra de la vaincre. Les 100 minutes du film sont plutôt bien équilibrées, notamment en termes d’introduction des personnages et de mise en place de l’ambiance. Les personnages sont intelligemment présentés sans qu’on tente trop de nous les exposer. On retrouve le côté sanglant et brutal des deux premiers films, mais la licence étant ce qu’elle est, on sait déjà comment l’histoire va se terminer. L’intérêt principal du film est donc le cheminement et le spectacle qui vont nous amener jusqu’à la fin à laquelle on s’attend. Le rythme m’a plu et le film est court (1 h 40). Si on ne voit pas le temps passer, ce n’est pas en nous noyant artificiellement sous une action permanente. Les différents types de scènes s’alternent bien, je n’ai pas eu l’impression d’avoir une scène en trop.

Niveau univers et respect de la licence, il y a tout de même un élément que je ne m’explique pas, même si à aucun moment, il ne gêne le visionnage. C’est le Predator « sauvage », ou « Feral » comme disent les anglophones. Si le design est une vraie réussite et fait appel à un acteur couvert de prothèse (Dane DiLiegro) plutôt que des CGI, je ne comprends pas le « pourquoi » de ce nouveau « type » de Predator, alors que jusqu’à présent l’espèce semblait assez uniforme. Enfin, je ne comprends pas pourquoi pendant autant de temps le Predator ne perçoit pas Naru comme une menace. Est-il sexiste ? Est-ce que par défaut la société de cette race ne perçoit pas les femelles comme des guerriers ? Je pense que c’est le cas, même si ce n’est pas très explicite. Dans ce cas, cela le place au même niveau que les hommes de la tribu de Comanches ou que les trappeurs français venus massacrer les bisons : aucun ne voit les femmes comme des guerrières et c’est leur erreur à tous, comme nous le montre le film.

Visuellement, le film est réussi. Tourné en décors naturels (au Canada), l’ambiance est superbe avec des plans sur les forêts, les plaines, le ciel… bref on a vraiment l’impression d’être en pleine nature et la qualité de la photographie qui va avec change vraiment des blockbusters dont les décors sont intégralement en images de synthèse criardes. J’ai beaucoup aimé l’ambiance dans la forêt de cendre. Si la musique n’est jamais exceptionnelle, elle colle bien à l’ambiance. Si je ne vais pas m’improviser expert en civilisation amérindienne et parler de la fidélité historique, c’est en tout cas très immersif. De nombreux éléments de dialogue sont en Comanche, mais le contexte permet toujours de comprendre ce qui a été dit. Il parait d’ailleurs qu’il existe une version du film où les Comanches sont entièrement doublés dans leur langue. Le fait que les personnages amérindiens soient joués par des Amérindiens est aussi un point fort, c’est plus crédible et les acteurs sont bons, notamment Amber Midthunder dans le rôle de Naru. De manière globale, j’ai pu lire un peu partout que la représentation des Comanches et de l’aspect historique était considérée comme très fidèle. De manière générale, les effets spécieux sont réussis, le Predator n’étant pas en CGI, il a un vrai impact visuel même s’il est imparfait. Pour revenir sur la question des doublages, les trappeurs français dans la version originale sont catastrophiques. A priori, c’est compliqué de trouver des acteurs francophones pour des seconds rôles ou des doubleurs pour rattraper le coup. C’est d’autant plus étrange vu l’effort fait sur les doublages en Comanche.

Clairement, on sent que Dan Trachtenberg et Patrick Aison ont voulu bien faire et aiment la franchise Predator. Ils ont même pris le temps de créer un lien direct avec les deux premiers films (tout le monde fait comme si les autres n’existaient pas) avec le pistolet à silex que Naru récupère dans la dernière partie du film. Ce petit détail, combiné à un petit détail dans le générique de fin et au succès critique du film laissent clairement la porte ouverte à une suite.

Enfin, j’aimerais prendre quelque ligne pour évoquer la pseudo-polémique ayant accompagné le film. Un certain nombre de « fans » (qui pour le coup brasse autant d’air qu’un ventilateur) ont été scandalisés parce qu’« une petite meuf a réussi à vaincre un Predator, alors que dans le premier film, on voyait cet extraterrestre décimer des commandos ». Bref, certains ont crié au « wokisme, sauf que ces « fans » n’ont soit pas compris, soit pas vu le premier film Predator, puisque Prey joue exactement avec le même schéma que son illustre prédécesseur. Dans le premier film, tant que les soldats se reposent sur leur puissance de feu, ils se font décimer un à un. Ce n’est que lorsque « Dutch » (Arnold Schwarzenegger) abandonne la force brute pour la ruse et la tactique qu’il parvient à vaincre. Prey, fais peu ou prou la même chose, et seuls l’intelligence et le sens tactique permettent à Naru de triompher. Il faut rappeler que le Predator dispose d’une supériorité technologique. Si vous utilisez des armes, il en fait autant, si vous vous battez à l’arme blanche, il s’ajuste pour savoir si vous êtes un défi digne de venir garnir sa collection de trophées. Dans les deux films, le protagoniste parvient à priver le chasseur de son principal avantage : la vision thermique. Bref, une polémique stupide.

Si Prey ne marque pas l’histoire du cinéma, il est un film tout à fait correct et est le premier bon film de la franchise Predator depuis 32 ans (ça fait long). Le film s’adapte à son époque et joue avec la question de la place de la femme dans la société. Ce que Naru subit dans la société comanche renvoie directement à notre époque. Si la fin est prévisible et si certains aspects du scénario sont une redite du premier film, Prey reste redoutablement efficace et prenant. Si sa BO ne marque pas les esprits, le film est une franche réussite visuelle sur tous les points. Prey est donc un digne prequel et marque un retour réussi de la franchise Predator. Une question demeure : pourquoi ce film n’est-il pas sorti au cinéma ?

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