Sympathies for the devil (redux) – Thomas Day

Résumé :
« Ils sont six. Paul of Perth, duc du Dragonshire, combattant le cercle de ténèbres qui broie la réalité et étrangle jusqu’à l’idée même du bien… Dernier Frêne, l’homme-arbre qui parcourt un monde à l’heure du loup et porte en sa sève l’espoir d’une renaissance… Darrell Jhune, qui a vu l’apocalypse dans les “douze dragons renversés” et doit réparer l’Erreur… Ozzie, mutante et tueuse impitoyable, qui doit apprivoiser la mécanique des profondeurs pour enfin trouver sa place dans un univers au bord du gouffre… Ismaël Kashoggi, missionnaire onusien chargé de recenser les tribus nomades de Mongolie pour la puissance extraterrestre Archonte et veut empêcher un génocide programmé… Loki, le démon aux yeux de lumière, qui a provoqué le Ragnarok en libérant le monde de dieux moribonds, pâles reflets d’eux-mêmes… Ils sont six, six pour six fins du monde. »

Fiche technique :
Auteur : Thomas Day
Éditeur : Le Bélial’
Pagination : 160 pages

Un livre qui était dans ma PAL depuis un moment. En fait, il y a quelque temps, j’ai acheté plusieurs bouquins de Thomas Day sur la boutique Bélial. J’avais beaucoup aimé Dragon, son premier livre que j’ai lu, puis est venu le numéro 100 de la revue Bifrost, consacré à l’auteur. Nouvelles, dossier, interview… j’ai découvert un auteur dont la plume et le style me plaisaient très clairement. J’ai donc acheté « Sympathies for the devil », « La cité des cranes » et « Sept Secondes pour devenir un agile », trois livres dont le pitch me tentait beaucoup. Et voilà que j’ai enfin trouvé le temps de lire les premiers des trois, un recueil de six nouvelles. Comme d’habitude dans ce genre de situation, je vais vous parler un peu de chacun des textes avant de livrer mon sentiment global.

Une forêt de cendres

« En Angleterre, dans un avenir indéterminable, où les archaïsmes côtoient les résidus de la technologie… Duc du Dragonshire et possible descendant d’Uther Pendragon, Paul of Perth a dédié sa vie à combattre le cercle de ténèbres qui broie la réalité, chaque jour davantage, et étrangle jusqu’à l’idée même du bien… »

Le pitch pourrait faire penser à un mélange de SF et de Fantaisie, et c’est ce que j’ai cru en lisant les premiers paragraphes. Il s’agit en réalité de post-apo. On découvre Paul sous deux angles : sa correspondance avec sa mère et une narration à la troisième personne. Cet homme maintient l’ordre par la terreur et une cruauté sans nom lorsqu’il est rappelé à Londres par la Reine. Pour elle, il va alors prendre part à un sanglant complot qui va peut-être changer le destin du pays. Un texte sombre et violent, très cru, mais qui se termine sur une note d’espoir.

À l’heure du loup

« “L’homme est un arbre qui s’ignore. Aujourd’hui nous disparaissons. Demain les loups viendront. Ce n’est que justice.” Dernier Frêne, l’homme-arbre parcourt un monde d’après la fin du monde. En lui, en sa sève, il porte l’espoir d’une renaissance… Son périple l’amène à rencontrer Lise et Anne, deux orphelines. Mais les étoiles s’éteignent et l’heure du loup est proche de sonner. »

Un texte qui sonne très fantaisie, mais qui aussi là aussi en fait du post-apo, donc SF. Alors, des hommes-arbres dans de la SF post-apo ce n’est pas très plausible, mais ça n’empêche pas le texte d’être touchant. C’est plein de nostalgie du monde d’avant, il est aussi question d’amour (tant sororal qu’amoureux), c’est aussi très triste. D’une certaine manière, le texte nous rappelle que l’Homme ne fait que passer.

L’Erreur

« Londres, bientôt. Big Mama déverse à longueur de journée ses Horror News, chroniques d’un monde en déglingue. Un jour, c’est au tôt de Darrell Jhune. Darell, qui a vu la fin du monde dans les “douze dragons renversés”, une série de graffs qui sont autant de visions de l’Apocalypse et du Paradis terrestre. Darrell qui, maintenant, doit réparer l’Erreur… »

Wow ! Dans un monde qui me rappelle les univers cyberpunks sans vraiment en être. Il y est toutefois question du rapport à l’information, du voyeurisme dans la société, du rapport à la violence, de la violence qui fait vendre. C’est ultra-sombre, violent et cru. Complètement dingue aussi. Un texte à ne pas mettre en toutes les mains, mais qui est probablement celui que j’ai préféré.

La Mécanique des profondeurs

« Dans une ville d’Amsterdam partiellement engloutie surnagent les Bulles, enclaves à l’abri des eaux et zones sans loi où sévissent les trafics les plus crapuleux. Mutante amphibie, Ozzie est une tueuse impitoyable, en traque d’un serial killer, plus proche d’elle-même qu’elle ne l’imagine. Elle devra apprivoiser la mécanique des profondeurs pour enfin trouver sa place dans un univers au bord du gouffre… »

À nouveau du post-apo dans un monde emporté — entre autres — pas les catastrophes climatiques et la hausse du niveau des océans. On y suit Ozzie, une sorte de flic, qui fait partie d’une unité faisant régner l’ordre par la violence dans les « bulles » d’une Amsterdam sous les eaux. Ozzie est une mutante, adaptée à la vie dans un monde submergé. Son corps est adapté à la nage. Sans en faire une sirène, Thomas Day nous offre une mutation plutôt cohérente. Après une mission qui tourne mal, Ozzie est mise par son commanditaire sur la piste de son père. Un texte très prenant et un worldbuilding intéressant, même si la fin m’a « étonnée » et en choquera peut-être certains.

La Notion de génocide nécessaire

« Pour faire profiter les humains de leur technologie avancée, les Archontes, puissants extraterrestres, édictent des conditions draconiennes. Comme le recensement de toute la population mondiale. Au service d’une Organisation des Nations Unies des plus fantoches, Ismaël Kashoggi a été chargé de recenser les tribus nomades de Mongolie. Surtout, il devra empêcher un génocide programmé… »

Ici on est dans de la SF de premier contact. La fin du monde pourrait concerner le monde tel que nous le connaissons et si c’est plutôt vrai, c’est surtout la fin du monde pour certains peuples nomades. En effet, l’une des conditions pour profiter des technologies extraterrestres est le reversement d’un pot d’un pour cent des revenus de chaque citoyen. Il faut donc que les nomades soient fichés comme les sédentaires. Il est ainsi question de génocide culturel que certains jugent acceptable, voire nécessaire. Un texte très pertinent et dans lequel je vois aussi une critique d’un monde capitaliste prêt à toutes les compromissions.

Démon aux yeux de lumière

« Il est Loki, le démon aux yeux de lumière, celui qui a provoqué le Ragnarok, du jour où il est ressorti des entrailles de la Terre, en libérant le monde de dieux moribonds, pâles reflets d’eux-mêmes… Au volant de sa Porsche, les Rolling Stones à fond dans l’autoradio, il fonce vers la Chine. Il boit, il baise et il fait des blagues nazes. Jusqu’au moment où il rencontre Cybèle, jeune mortelle qui changera sa vie à un point qu’il ignore encore. »

Loki et Ragnarok, on part sur une fin du monde tinté de fantaisie, qui n’est pas mon genre de prédilection. Pourtant, sous la plume de Thomas Day, je me fais happer par le récit comme me l’avait prouvé sa nouvelle « La Bête du loch Doine » dans le Bifrost N° 100. Loki y a un côté mi-cruel mi-tocard, tartiner d’une belle couche de ce qui ressemble à du « je-m’en-foutisme ». C’est irrévérencieux, parfois drôle et même touchant sur la fin.

Le pitch tient ses promesses, « Sympathies for the devil » nous offre six variations de la fin du monde et elles sont plutôt bonnes, démontrant la créativité de Thomas Day. Si « A l’heure du loup » est le texte qui me parle le moins, il n’est pas mauvais pour autant, juste pas mon style. « L’Erreur » et « La Notion de génocide nécessaire » sont probablement les textes que j’ai préférés, mais l’auteur a aussi su m’étonner avec son « Démon aux yeux de lumière ». Six bons textes qui ont comme point commun un style inimitable, sombre, cru, parfois trash, souvent violent, toujours percutant, mais qui dégagent une franchise et une honnêteté qui font mouche à chaque fois que je lis un texte de l’auteur.

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