Ces guerres qui nous attendent : 2030-2060 — Red Team

Résumé :
« La Red Team n’est pas la nouvelle série de Netflix. Et pourtant sous ce nom de code un commando a mené une opération pionnière particulièrement haletante. Pour la première fois, le ministère français des Armées et l’Université Paris Sciences et Lettres ont lancé un projet de prospection novateur. Analystes et chercheurs ont partagé librement leurs réflexions avec des auteurs de romans noirs, de science-fiction et de dessinateurs pour imaginer les conflits possibles à l’horizon 2030-2060 : création d’une nouvelle nation pirate née des changements climatiques, hacking possible des implants neuronaux, émergence de sphères communautaires développant une réalité alternative, fragmentation du réel, crises environnementales et bioterrorisme, guerres cognitives s’appuyant sur la désinformation de masse, polarisation du monde en hyperforteresses et hyperclouds. »

Fiche technique :
Auteur : Red Team
Éditeur : Équateur
Pagination : 222 pages

Tout est dans le résumé. Pour la première fois en France, le ministère de la Défense organise une Red Team. C’est un concept qui vient des États-Unis. Des scénaristes sont engagés pour imaginer des scenarii prospectifs complexes pour que le Pentagone et les services de renseignement se confrontent à des menaces qu’ils n’auraient pas imaginés. Ces scenarii ne sont (à ma connaissance) pas publiés, mais dans le même genre, on a « Le rapport de la CIA » édité en France par Robert Lafont et qui, pour les deux versions que j’ai lues, était bien sympa. Suivant beaucoup l’actualité de défense, technologie et géopolitique ; lorsque la création d’une Red Team par le ministère de la Défense a été annoncée, j’ai espéré très fort que les travaux seraient (au moins partiellement) publiés, surtout quand j’ai vu la liste des auteurs constituant l’équipe : François Schuiten (dessinateur de bande dessinée et scénographe belge), Jeanne Bregeon (Designeuse), Virginie Tournay (Directrice du CNRS), Laurent Genefort, Romain Lucazeau (Latium, La Nuit du Fauve), Xavier Mauméjean (L’Ère du dragon, La Vénus anatomique, Car je suis légion, Lilliputia), DOA (Le cycle « clandestin ») pour ce qui est des civiles.

Je vais maintenant vous donner mon avis sur les quatre scénarii traités dans l’ouvrage avant de vous donner un avis global sur cet essai.

Scénario 1 : Les pirates de la P-Nation attaquent Kourou

Le texte commence par nous expliquer comment la France se retrouve leader d’un projet d’ascenseur spatial. Le concept présenté est plausible. C’est présenter de manière claire et courte. Ensuite on bascule sur le sujet de la piraterie et de la P-Nation dans les années 2040, engendré par la montée des eaux due au changement climatique. Il y a un petit côté cyberpunk à tout ça. Mais la réponse française et internationale aux actes de la P-Nation n’est pas crédible à mes yeux. On parle d’une piraterie qui a détruit une fusée et prend le contrôle de zones de navigation vitales. Pourtant dans ce monde qui part à vau-l’eau, les puissances étatiques ne font rien ou presque. S’en suis une interview peu intéressante d’un étudiant en anthropologie qui rejoint la P-Nation et nous décrit un peu ses coulisses via son journal.

Scénario 2 : Barbaresque 3.0

Piraterie à nouveau, mais dans les années 2060 et en Méditerranée. On décrit l’insécurité croissante de la navigation commerciale, les mesures qui sont prises, telles que la militarisation des navires qui embarquent alors des mercenaires et drones, avant de devenir des navires complètement autonomes. On nous présente aussi la « dronisation » croissante des forces armées pour voir loin et frapper vite. La création d’interfaces neurale pour réduire le temps de réaction des pilotes de drone et de la chaine de commandement. L’impact et les dangers de ces interfaces. Puis s’en suis une interview assez basique de la cheffe de cette Barbaresque 3.0, qui, basée en Afrique du Nord, pirate physiquement et virtuellement en méditerranée. Il y a à nouveau un côté cyberpunk à ce texte, certains éléments de technologie me faisant penser à l’univers de Ghost in the Shell.

Scénario 3 : Chronique d’un mort culturelle annoncée

La première page nous rapporte une très courte chronologie des évènements. Ensuite, on nous présente l’émergence progressive des safespheres, des bulles de réalités alternatives dans le net, mais qui dans un monde ultra connecté déborde sur le monde réel. Ainsi, les gens se regroupent dans des sphères de « croyance », un entre soi qui fait parfois penser aux groupes conspirationnistes et antivax qui s’enferment dans une vision du monde qui ne se nourrit que d’éléments avec lesquels ils sont d’accord. À nouveau un petit côté cyberpunk me rappelant Ghost in the Shell. Par contre l’environnement géopolitique est très peu plausible. On a d’abord la Nouvelle Fédération des Balkans (Monténégro, Macédoine, Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Roumanie, Slovénie, Bulgarie, Croatie) assez peu plausible et dont on ne nous explique pas vraiment comment elle voit le jour. Vient ensuite la Grande Mongolie, en gros la Chine s’est séparée en deux entités dont l’une a fusionné avec la Mongolie. Je veux bien qu’on me présente un scénario plausible où la Chine Communiste se sépare sans passer par une révolution sanglante ou une guerre civile. De même pour voir la Mongolie, peu peuplée et armée absorber une partie de la Chine. Ensuite on nous présente un scénario de tension géopolitique dans lesquels les safesphere, et les influences que la NFB et de la Grande Mongolie ont dessus, voit les forces armées françaises intervenir à « Grande-City » sur l’île-pays de « Grandislande », que le scénario ne se donne même pas la peine de localiser. Pourquoi gâcher un scénario qui expose une technologie plausible avec des conséquences qui le sont tout autant en enrobant tout ça dans un univers géopolitique absolument pas plausible et même sacrément fantaisiste ?

Scénario 4 : La Sublime Porte s’ouvre à nouveau

Derrière ce titre faisant référence à l’Empire Ottoman se cache le texte qui fait que je n’ai pas terminé le livre. En fait j’ai même failli m’arrêter à la première page qui nous présente un conflit entre deux blocs qui sont la Ligue Hellénique et la Grande Troade dans les années 2040. Une carte nous permet de comprendre que la Ligue Hellénique regroupe la France, l’Italie, une partie de l’Espagne et « Carthage ». La Grande Troade regroupe quant à elle la Turquie et l’Iran. Je ne vais pas vous faire un exposé d’histoire et de géopolitique, mais clairement, même à l’horizon 2040 on est à -9000 sur l’échelle de plausibilité. Ensuite on nous explique ce que sont les armes « hypervéloces » : missiles hypersoniques et railguns (rien de novateur). Puis, on nous expose l’avènement des moyens de contrer cette menace : l’hyperforterresse. En gros, une infrastructure, généralement statique, car lourde et énergivore, ou des intercepteurs sont couplés à des IA et supercalculateur (pour pouvoir réagir à la détection d’un projectile à Mach 20). Ces infrastructures sont grandement automatisées, avec une lourde maintenance, une chaine d’approvisionnement qui ne doit jamais s’interrompre, une cyberprotection quantique… Bref, un exposé long et flou qui fait que le livre m’est tombé des mains.

Donc, pour la première fois depuis des temps immémoriaux, je n’ai pas terminé un livre. Si vous vous attendiez à des nouvelles de SF/anticipation, vous allez être déçus. Si, comme moi, vous êtes passionnés de technologie, défense, géopolitique et science-fiction vous allez vous ennuyer et n’apprendrez pas grand-chose voir rien du tout. Si vous êtes novices sur ces sujets, cet ouvrage n’est clairement pas une bonne porte d’entrée. J’ai trouvé extrêmement décevant qu’un livre traitant de ces sujets utilise des pays fictifs et fantaisistes. Les prospects technologiques sont assez peu détaillées ce qui frustre horriblement l’amoureux de worldbuidling que je suis. D’un point de vue écriture, le style est sec au possible même pour des fictions traitées dans le genre épistolaire.

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