L’Homme des jeux — Iain M. Banks

Résumé :
« Dans l’empire d’Azad, le pouvoir se conquiert à travers un jeu multiforme. Jeu de stratégie, jeu de rôle, jeu de hasard, le prix en est le trône de l’Empereur. Gurgeh est le champion de la Culture, une vaste société galactique, pacifique, multiforme, anarchiste, tolérante, éthique et cynique où le jeu est considéré comme un art majeur. S’il gagne, la paix sera sauvée entre la Culture et Azad. S’il perd… »

Fiche technique :
Auteur : Iain M. Banks
Éditeur : Le Livre de Poche
Pagination : 480 pages

Je poursuis mon exploration du Cycle de la Culture de Iain M. Banks, avec le deuxième tome dans l’ordre de publication en VO, mais premier dans l’ordre de publication en VF. Comme vous le voyez au résumé, « L’Homme des jeux » s’annonce assez différent de « Une forme de guerre ».

Là où « Une forme de guerre » était centré sur de l’espionnage dans le cadre de la guerre entre la Culture et les Idirans, ce tome est centré sur le softpower. Il se déroule d’ailleurs bien après ladite guerre puisque sept siècles séparent les deux histoires. Autre différence : le point de vue. Ici, celui d’un culturien alors qu’« Une forme de guerre » nous offrait celui de ses ennemis.

Jernau Morat Gurgeh (généralement appelé Gurgeh) est un joueur-de-jeux parmi les plus réputés. Il a remporté de nombreux tournois sur de nombreux types de jeux différents (la plupart de ceux, nombreux, qui se pratiquent dans la culture) et est aussi un théoricien renommé. Sauf que Gurgeh commence à se lasser. Il a l’impression d’avoir fait le tour du sujet. Lors d’un jeu tout à fait banal, le temps d’un trajet, il passe à deux doigts de tricher par inadvertance, mais en tire une certaine excitation. Plus tard, alors qu’il joue contre une étoile montante, il se laisse convaincre par l’un de ses amis, le drone Mawrhin-Skel, de tricher pour réussir un coup qui le ferait entrer dans l’histoire. Les chances étant infimes, il n’y parvient pas, malgré la triche, bien que la partie fût gagnée d’avance. Mais voilà que Mawrhin-Skel n’est peut-être pas tant un ami que ça puisqu’il se met à faire chanter Gurgeh pour obtenir sa réintégration dans Circonstances Spéciales, l’équivalent de la CIA de la section Contact en charge de l’exploration et du contact avec les Nouveaux Mondes. D’ailleurs ça tombe bien, car Contact est entré en… contact avec Gurgeh pour lui proposer une mission en lien avec le jeu. Un jeu inédit qui dépasserait en complexité et subtilité tout ce que la Culture pratique. Ce jeu, c’est l’Azad, de l’Empire du même nom. Un Empire dont les principes, la culture et la hiérarchie tiennent par ce jeu. Gurgeh, intrigué, accepte la mission et se forme à l’Azad durant les deux ans du voyage supraluminique. Arrivé sur Eä, monde-capitale de l’Empire, Gurgeh prend part à un tournoi dans lequel on ne donne pas chère de sa peau. Mais rien ne va se passer comme prévu pour qui que ce soit sauf peut-être pour…

Alors que les performances du joueur-de-jeux culturien commencent à créer des tensions, on découvre l’Empire d’Azad : totalitaire, inégalitaire, mais aussi assez exotique malgré le fait qu’il s’agit d’une espèce « humaine ». C’est d’ailleurs l’une des particularités du cycle de la Culture, la Terre n’est pas le berceau de l’espèce humaine. Cette dernière prolifère à travers les galaxies depuis des temps immémoriaux. Ainsi, on croise de nombreuses espèces humaines ou transhumaines à travers les livres du cycle. Ici les azadiens ont la particularité de compter trois genres : homme, femme, apicale. Ce dernier étant neutre, mais le chainon indispensable dans la reproduction sexuée. C’est aussi le genre dominant dans la société. Une société qui se prétend « méritocratique » via l’Azad alors qu’elle est totalement discriminatoire envers les non apicaux.

Arrivé à la moitié du livre j’avais deviné les grandes lignes de la fin, mais paradoxalement cela ne m’a pas empêché de passer un excellent moment. D’abord parce que pour savoir si j’avais deviné juste, il fallait aller au bout. Ensuite, parce que « L’Homme des jeux » est passionnant, très différent de la SF que je lis habituellement, mais aussi incroyablement fluide et homogène. L’auteur évite le piège de nous perdre dans les descriptions trop complexes d’un jeu sans commune mesure. C’est un vrai page-turner et je me suis soudain étonné d’en être à 50 % puis à 80 %. On a vraiment l’impression de ressentir et vivre l’histoire du protagoniste, ses doutes, ses triomphes, mais aussi ses incompréhensions. Aussi, le livre a le double intérêt de nous donner à voir la Culture en direct (là où « Une forme de guerre » en était une critique par ses adversaires), mais aussi l’Azad une société assez originale et fascinante, malgré ses très nombreux défauts. Si on avait découvert le concept d’Orbitale dans « Une forme de guerre » ce livre dans sa phase introductive nous fait découvrir la vie de ses habitants. L’utopie hédoniste et post-pénurie qu’est la Culture permet à tout le monde de mener la vie qu’il lui sied puisqu’il n’y a pas besoin de gagner sa croute. Ainsi, la vie de Gurgeh se consacre au jeu. Cela n’est pas sans rappeler, plus de vingt ans après la sortie du livre, le métier de « content creator » ces streamers et vidéastes qui peuvent se consacrer à l’art et au divertissement, même si dans notre cas, ils vivent de dons, publicités et partenariats commerciaux. Ce qui est aussi très intéressant dans cette confrontation entre la Culture et l’Azad passe par Gurgeh, citoyen lambda, c’est l’ignorance même des concepts de hiérarchie, d’inégalité, de carcéralisme, de misère…

« L’Homme des jeux » s’avère être un livre totalement passionnant qui parvient à raconter une histoire extrêmement intéressante, alors que tous les enjeux tournent autour du softpower et d’un « simple jeu » est un tour de force majeure. On en découvre aussi beaucoup plus sur la Culture, avec un angle qui diffère complètement de qui offrait « Une forme de guerre ». L’Empire d’Azad nous rappelle aussi qu’on peut découvrir des sociétés passablement « autres », mais « humanoïdes », ce qui en facilite la compréhension et l’immersion pour le lecteur.

Besoin d’autres avis ? Voici ceux d’Apophis, d’Albédo et du Chien critique

Ne manquez pas non plus l’article d’Apophis, qui analyse l’intégralité du cycle.

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