Jack Ryan (Saison 1) – Amazon Prime

Résumé :
« Lorsque Jack Ryan, analyste de la CIA, tombe sur une série de virements bancaires suspects, son enquête l’oblige à quitter le confort de sa vie monotone d’employé de bureau et le propulse dans un jeu du chat et de la souris à travers l’Europe et le Moyen-Orient avec un terroriste islamiste en pleine ascension, Suleiman, se préparant à une attaque massive contre les États-Unis et ses alliés. »

Fiche technique :
Network : Amazon Prime
Producteurs exécutifs : Carlton Cuse, Graham Roland
Réalisateurs : Morten Tyldum, Daniel Sackheim, Patricia Riggen, Carlton Cuse
Scénaristes : Carlton Cuse, Graham Roland
Acteurs principaux : John Krasinski, Abbie Cornish, Wendell Pierce, Ali Suliman, Dina Shihabi

Note : vu le sujet de la série, il y aura un poil de politique et de religion dans cette chronique. Notamment pour parler de la façon dont la série traite de ces sujets. Elle aussi un peu plus détaillé que d’habitude et révèle donc quelques éléments d’intrigue.

Une série de laquelle je n’attendais pas grand-chose à sa sortie en 2018, mais dont j’ai entendu dire du bien. Après m’être renseigné un peu il s’avère que la saison ne faisait que 8 épisodes et comme vous le savez, j’aime les histoires qui ne trainent pas en longueurs. Avant qu’on m’en dise du bien, j’avais quelques appréhensions, car la série est vendue comme une adaptation de l’univers de Tom Clancy, de son « Ryanverse ». J’ai lu la plupart des romans composants cet univers et même s’ils sont plutôt de bons livres il y a toujours eu des éléments qui me dérangeaient : clichés racistes et religieux de l’auteur, l’invincibilité américaine, cliché pitoyable sur nous ce qui n’est pas de droite (voir le traitement pitoyable et caricatural du président démocrate dans « Locked On »), la cohérence globale de l’univers où certaines alliances bougent beaucoup trop vite pour être crédible. Par exemple dans « L’Ours et le Dragon » les USA aident la Russie à rentrer dans l’OTAN, car ce pays mal au point est menacé par la Chine. Donc les USA font la guerre à la Chine pour protéger la Russie. Pourtant quelque temps plus tard la Russie se comporte à nouveau comme un ennemi (et ne fais donc plus partie de l’OTAN) et la Chine rejoue les va-t-en-guerre… mais à côté de ces éléments qui m’agacent, les intrigues sont bonnes et prenantes, les personnages sont généralement intéressants et travaillés. J’avais juste peur que les défauts des livres se retrouvent dans la série. Défauts qui se sont d’ailleurs estompés avec le temps puisque même avant la mort de Clancy les livres du Ryanverse (les 6 derniers) n’étaient plus vraiment écrits par Clancy ou juste partiellement. Il y a maintenant une douzaine de romans parus ou à paraitre depuis sa mort.

Revenons-en à la série. En réalité à par le côté techno-thriller/géopolitique le seul point commun avec l’œuvre du romancier américain sont les noms des personnages. Scénaristiquement, on suit plusieurs fils de l’intrigue : d’un côté l’enquête de Ryan et sa collaboration avec son nouveau boss James Greer, mais aussi quelques moments de sa vie privée (sa rencontre avec Cathy) ; de l’autre côté on suit l’entreprise terroriste de Suleiman, mais aussi ce qui la mené à devenir un terroriste (via des flashbacks). L’intrigue liée à Suleiman en engendre en suite une autre quand sa femme, comprenant qu’il est plus un terroriste qu’un « freedom fighter », s’enfuit avec ces enfants. Il y aussi un fil d’intrigue secondaire qui s’étale sur quelques épisodes avec l’histoire d’un pilote de drone Reaper, qui vit de plus en plus en mal avec ce qu’il fait : tuer des gens en appuyant sur un bouton tout en étant à des milliers de kilomètres de distance. Cette dernière intrigue même si elle n’est pas mauvaise s’insère assez étrangement dans la série, puisqu’elle n’apporte rien au dénouement alors que tous les autres fils d’intrigue se rejoignent pour en former dans le dernier épisode. Même Cathy Mueller (la petite amie de Jack) se retrouve – par son métier d’épidémiologiste — liée à l’intrigue terroriste.

J’ai bien aimé le traitement de l’intrigue et des personnages : de manière globalement réaliste et crédible. On est loin des très gros clichés de certaines productions américaines (ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas). J’ai par exemple trouvé que le GIGN français et les gendarmes étaient un peu mal traités (un assaut totalement foireux pour les uns et un tir complètement con pour un autre). Le méchant de l’histoire n’est pas un démon, mais juste un gars en quête de vengeance après s’être radicalisé dans une prison française. Car oui, Suleiman est français d’origine libanaise et plusieurs passages de l’intrigue se déroule en France (l’enquête, mais aussi des flashbacks), mais nous évite le classique du « vous avez tué ma famille alors je vais détruire votre pays », ici c’est bien la radicalisation qui en fait un méchant. Le personnage Jack est un boyscout idéaliste avec un passé de vétéran un peu compliqué. Greer, son nouveau patron est en fait mis au placard et est afro-américain musulman tout en étant sacrément compétent. Même l’épisode final évite les cliché des séries et film d’action. Pas de grand discours moralisateur, pas de fusillade à rallonge, pas de grandes explosions, pas de course poursuite en sens inverse sur l’autoroute…

Sur le plan visuel, la réalisation est classique, mais solide et les effets spéciaux sont franchement très propres et évitent le piège du « too much ». Les décors sont franchement crédibles, les scènes au Moyen-Orient ont été filmées au Maroc. Étrangement les scènes se déroulant dans notre pays n’ont pas été tournées chez nous alors que tout y est. J’étais persuadé qu’ils avaient tourné en France, mais les autres lieux de tournage sont : Washington D.C., Maryland, Virginie, Québec et Londres.

Les acteurs principaux sont plutôt bons. Le personnage de Ryan (joué par Krasinski) est un peu compliqué à jouer. Idéaliste motivé, mais torturé par son passé, il a parfois un visage totalement fermé et inexpressif. À d’autres moments quand on touche une corde sensible on lit sur son visage comme dans un livre ouvert. Je trouve donc que l’acteur s’en sort bien. Le personnage de Cathy Mueller est assez secondaire (un peu moins sur la fin de saison) et l’actrice s’en sort plutôt bien, je trouve qu’Abbie Cornish est franchement un bon choix. C’est une actrice belle et charismatique, mais sans avoir un physique de starlette filiforme ou de Bimbo (reste à voir comment son personnage évoluera dans les autres saisons). Wendell Pierce est très bon dans le rôle d’un Greer très expérimenté, un peu désabusé ou blasé ; tantôt sérieux, tantôt pince-sans-rire. La part de casting qui m’a agréablement surpris ce sont les deux des personnages arabes importants de la série. L’excellent acteur palestinien Ali Suliman qui joue Mousa Bin Suleiman est franchement très bon, en écrivant cette chronique je me suis d’ailleurs rendu compte que je l’avais vu dans plein d’autres trucs : The Kingdom, Lone Survivor, Body of Lies et The Looming Tower (où il était très bon). Son personnage est multifacette et on ne sait pas vraiment quand il est sincère ou manipulateur. Il a d’abord l’image d’un mari et père de famille aimant, ces derniers le voient plus comme un combattant de la liberté, mais en fait il est plutôt enragé et empli de vengeance et souhaite devenir la nouvelle inspiration des futurs djihadistes. Sa femme Hanin est jouée par l’Arabo-Palestinienne Dina Shihabi qui passe de femme aimante et largement soumise à son mari à mère louve en quête de liberté et de sécurité pour ses enfants et prête à tout.

Vu le sujet traiter, la question de violence à l’écran se pose. Le fait est qu’il y en a et qu’il y a du sang, mais ce n’est jamais gratuit ni pour le plaisir de faire du gore. Se pose aussi la question de la représentation de l’islam et le fait qu’on a des musulmans dans les deux camps et que ceux qui sont partisans de la guerre sainte ne sont pas trop manichéens, sans être excusable, bien entendu. La représentation de la France dans la série fait débat, notamment les dialogues d’un policier de la DGRI qui a des propos ouvertement islamophobes (il parle entre autres d’invasion musulmane) que des critiques ont qualifiés de dangereusement caricaturaux. Est-ce que ce genre de propos sont dangereux ? C’est possible. Est-ce qu’ils sont caricaturaux ? Non, car les propos que le personnage tient lors de cette scène on les entend à longueur de semaine sur nos chaines d’information, dans la bouche de nos politiciens d’extrême droite, dans la bouche des gens qui s’abreuve à ses sources, mais aussi dans la bouche de membres des forces de l’ordre ? Ces propos de « raciste de comptoir ignorant » sont caricaturaux dans leur formulation, mais sont réellement exprimés dans notre pays. En fait l’un des messages sous-jacents de la série est que la haine engendre la haine. Bombarder des civils aide les djihadistes à recruter, les discriminations envers les minorités les pousses parfois à faire le choix de la violence. C’est précisément tout ce qu’a subit le personnage de Mousa Bin Suleiman, mais c’est sa rencontre avec l’islam radical dans une prison française qui est le déclencheur. Avant ça il n’est même pas pratiquant, se contente de vivre et subir. Évidemment, comme dans la vraie vie, ça ne l’excuse pas de ses choix funestes et mortifères. Ça permet seulement d’en comprendre les origines.

Après cette première saison que j’ai trouvé franchement bonne et qui évite les travers de l’auteur dont elle s’inspire, je me suis un peu renseigné sur la suite. Une saison 2 arrive à l’automne 2019 (et une saison 3 est déjà commandée). Pour cette deuxième saison, des nouvelles têtes sont annoncées au casting dont la célèbre et très douée Noomi Rapace (Trilogie Millenium, Seven Sisters, Prometheus, Covenant…) ainsi que Michael Kelly (The Shield, Generation Kill, House of Card…). Il y a aussi des acteurs moins connus d’origine « latine » qui me prête à croire que l’Amérique latine fera partie de l’intrigue. Apparemment cette nouvelle saison comportera à nouveau 8 épisodes.

Reste que cette première saison de Jack Ryan est franchement une bonne surprise et évite la plupart des clichés hollywoodiens ou même ceux véhiculés par Tom Clancy. Elle dispose d’un casting et d’une réalisation solide. Ce n’est pas la série du siècle, mais ça reste très bon et je suis curieux de voir la suite. Le vrai gros défaut est de vendre ça comme une adaptation de l’œuvre de Clancy alors qu’en dehors des noms de quelques personnages ça n’a pas grand-chose à voir avec les romans. En plus la saison est courte et donc l’intrigue reste plutôt dense.

7 commentaires sur “Jack Ryan (Saison 1) – Amazon Prime

  1. Merci pour la critique, cela fait quelque temps que je ne suis plus les nouvelles séries à la TV énormément de retard déjà avec celle que j’ai en DVD depuis des années…

    Relecture rapide :
    mais en fait il est plutôt enragé et empli de vengeance et souhaite devenir la nouvelle inspiration des futur(e)s djihadistes.

    Bombarder des civil(e)s aide les djihadistes à recruter,

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  2. La saison 1 est effectivement efficace, et montre des choses que l’on ne voit pas forcément dans ces séries (éléments du quotidien des réfugiés en transit, réseaux criminels qui abusent d’eux, …) mais ce n’est pas vraiment du Jack Ryan.
    Par contre la saison 2 se déroule effectivement en Amérique Latine et est une adaptation contemporaine de Danger Immédiat (Clear and Present Danger) et est assez réussie également, me faisant toutefois fort penser à la saison 5 de The Last Ship (excellente série par ailleurs)

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